Gazalain a écrit :Je pense tout le contraire, ce n'est pas par hasard ou par accident que certains barrages sont en diagonale. Si le luthier les a collées sous cette forme, c'est qu'il avait ses raisons et certainement pas pour bâcler son travail.
Pour ma part, je pense qu'on se représente mal aujourd'hui le travail des luthiers français début 20ème.
A cette époque les italiens qui ont émigré en région parisienne et les ateliers de Mirecourt produisent chaque année des milliers et des milliers d'instruments à cordes de tout type, peu chers, qui inondent les magasins de musique de Paris, la France, et ses colonies, et s'exportent dans toute l'Europe. Les instruments dits professionnels ou de concert ne représentent qu'une infime part de la production. Guitares, banjos et mandolines sont avant tout des instruments populaires, économiquement accessibles au plus grand nombre, dont les adeptes sont bien moins exigeants qu'aujourd'hui. Dans les ateliers de Mirecourt, mais aussi de Busato, des Di Mauro ou de Fontaine, on produit à la chaîne, avec un ouvrier-luthier par poste, et non pas un maître luthier comme c'est le cas aujourd'hui, qui produit seul de A à Z des instruments de luxe en petite série !!!
Par exemple, on retrouve sur pleins de guitare de l'époque (Di Mauro, Sonora, des soi-disant Busato et autres "gypsy mystery") les manches en érable plat avec renfort palissandre, et la tête presque droite : pour en avoir discuté avec Charle et Legrand, il semble bien que ces manches étaient fabriqués en Italie, et livré par milliers, presque prêts à poser, en région parisienne !
Si l'on met de côté la production Selmer et Favino qui sont pour moi franchement au dessus du lot, sur les guitare françaises du début et milieu 20ème, les manches désaxés, les joints de table, de fond, désaxés aussi, les tables et barrages pas complètement au quartier, les coups de lime apparents sur les têtes, les lumières des têtes non symétriques, les jonctions manche-caisse à plat sans tenon mortaise, les barrages sommairement rabotés et posés gentiment de travers, etc... sont la règle générale !
J'ai eu une Di Mauro qui cumulaient pas mal de ces particularités (défauts ?), et dont les barrages étaient bruts de sciage (sic), ben c'était une super guitare par ailleurs.
J'ai d'ailleurs eu l'occasion de discuter avec Jaffré qui était un ami de Di Mauro fils : il semble très clair que ce n'était pas le genre de type à se demander s'il obtiendrait un son plus équilibré en orientant son barrage de telle ou telle façon. Son travail n'en est pas moins remarquable.
De même on parle beaucoup de Busato comme d'un luthier. Pour ce que j'en sais, c'était avant tout un fabriquant et vendeur d'instruments, à la tête d'une usine produisant par milliers guitares, banjos, accordéons, mandolines, maracas etc. Les guitares sur lesquelles il a effectivement posé ses mains se compteraient sur les doigts de celles-ci.
Le métier de luthier a énormément évolué en France au cours du 20ème. A mon avis et de façon générale, les facteurs de guitares ne se souciaient pas, en France au siècle dernier, autant qu'aujourd'hui des questions de barrage, de principes acoustiques, de précision des assemblages et de qualité de finition.. et les guitaristes non plus !
Pour autant, ces guitares selmero-parigo-italiennes sont, je trouve, super intéressantes du point de vue historique bien sûr mais aussi lutheristique et acoustique, et je ne pense pas que l'on puisse parler de travail bâclé ou d'accident de barrage. Ces types savaient très bien ce qu'ils faisaient, mais ils ne le faisaient pas toujours comme le ferait un luthier moderne. Il y a dans ces guitares de facture modeste et au barrage simple, comme celui de cette Castelluccia, extrêmement proche de ce que l'on peut voir chez les Di Mauro (moins chez l'oncle), Fontaine, Patenotte, des super guitares, jolies, robustes et qui sonnent très bien. Simplement elles témoignent d'une autre façon de faire, d'une autre époque, d'autres exigences.
Par contraste, je trouve que le travail de recherche de Maccaferri, sa capacité d'innovation, et la grande qualité de la fabrication des guitares selmer qu'il a supervisé un temps, n'en apparaît que plus extraordinaire et visionnaire...

Atelier Di Mauro, années 60 (?)

Barrage Di Mauro Boogie Woogie, années 50 (?), difficile de faire plus simple !